L’autonomie professionnelle et la liberté académique sont essentielles pour rendre la profession enseignante attractive
Les enseignant·e·s constituent la plus grande ressource de tout système éducatif, car il·elle·s jouent un rôle essentiel dans l’élaboration de l’avenir des étudiant·e·s. L’autonomie professionnelle donne aux enseignant·e·s, aux formateur·rice·s, aux universitaires et aux autres personnels de l’éducation le contrôle de leur travail, est motivante, conduit à une plus grande satisfaction au travail et à un niveau plus élevé d’engagement professionnel.
Pour améliorer l’attractivité de la profession enseignante, il faut faire confiance aux enseignant·e·s et leur accorder l’autonomie professionnelle et la liberté académique nécessaires pour décider de l’approche la plus appropriée pour répondre aux besoins des enfants et des étudiant·e·s, en tenant compte des conditions locales dans tout cadre pédagogique, afin de garantir une éducation de qualité et inclusive. L’Annexe I du Communiqué de Rome définit la liberté académique comme « un élément indispensable de la qualité de l’apprentissage, de l’enseignement et de la recherche dans l’enseignement supérieur ainsi que de la démocratie » et l’autonomie institutionnelle comme son élément constitutif, et souligne que « les sociétés ne peuvent être véritablement démocratiques sans respecter la liberté académique et l’autonomie institutionnelle ». Un enseignement libre de toute influence politique, économique et religieuse contribue à garantir une société fondée sur la connaissance dans laquelle les individus prennent des décisions rationnelles et raisonnables, en tant que citoyen·ne·s et dans le cadre de processus démocratiques.
Des données récentes montrent que parmi les pays de l’OCDE, seuls 42 % en moyenne des chef·fe·s d’établissement déclarent que leurs enseignant·e·s ont une responsabilité importante dans une grande partie des tâches liées aux politiques scolaires, aux programmes et à l’enseignement. Selon le Rapport de suivi de l’éducation et de la formation (2023), l’autonomie des enseignant·e·s est généralement élevée dans les pays de l’UE (comme en France, en Estonie, en Suède, en Italie et en Tchéquie), mais des pourcentages plus faibles d’enseignant·e·s estiment qu’il·elle·s peuvent participer à la prise de décision et à l’autonomie collégiale des enseignant·e·s dans l’école. Les données du rapport montrent que les pays dans lesquels les enseignant·e·s se sentent plus impliqué·e·s sont la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Roumanie et la Hongrie, tandis que les enseignant·e·s se sentent le moins impliqué·e·s dans les décisions dans des pays comme la Belgique (Communauté française), Chypre, le Portugal, Malte et l'Italie.
La liberté académique et l’autonomie institutionnelle sont les piliers centraux du secteur éducatif ; elles vont de pair avec la nécessité de salaires décents, de conditions de travail équitables, d’efficacité, de qualité et d’inclusion dans l’éducation. Les menaces envers la liberté académique - telles que mesurées par l'indice de liberté académique du Parlement européen - proviennent de gouvernements autoritaires, de réductions du financement public de base, de financements basés sur les performances, d'une internationalisation axée sur le marché et d'emplois universitaires précaires. Pour garantir l’autonomie professionnelle, chaque école et chaque université devrait développer une politique de performance valorisante pour ses enseignant·e·s et installer une culture du feed-back stimulante. L'évaluation des enseignant·e·s peut faire partie d'une politique participative du personnel, mais elle ne doit jamais constituer un obstacle à l'autonomie professionnelle et à la liberté académique dans l'enseignement et la recherche. En outre, les enseignant·e·s et les chercheur·euse·s ne peuvent pas être limité·e·s dans leur travail afin de se conformer aux besoins du marché du travail. L’évaluation des enseignant·e·s et du personnel académique ne doit pas être punitive ou biaisée en fonction du genre. Il est crucial de résister à la pression croissante du marché du travail et aux tendances telles que le managérialisme croissant qui considère les écoles et les universités comme des entreprises privées. Ces tentatives entravent l’autonomie professionnelle des enseignant·e·s, la liberté académique des enseignant·e·s et l’autonomie institutionnelle. Les décideur·euse·s politiques devraient reconnaître que des menaces à la liberté académique existent dans les « démocraties libérales » ainsi que dans les systèmes politiques plus autoritaires. Les gouvernements nationaux devraient repenser leurs approches actuelles en matière de financement, de gouvernance et de personnel afin de renforcer la liberté académique en Europe. La direction collaborative des établissements scolaires joue également un rôle clé pour garantir l’autonomie professionnelle des enseignant·e·s.
Pour sauvegarder l’autonomie professionnelle, un financement public durable et efficace ainsi que la participation active des enseignant·e·s, des formateur·rice·s et du personnel éducatif à la gouvernance et au rétablissement du lien entre sécurité de l’emploi et liberté académique sont essentiels. Il est important d’assurer un financement public durable et efficace de l’éducation et de résister aux propositions visant à privatiser, mercantiliser et commercialiser le secteur de l’éducation. D’autant que ces propositions ont un effet direct sur l’autonomie professionnelle des enseignant·e·s car elles risquent de faire basculer la relation enseignant·e -étudiant·e vers une relation de prestataires de services et de client·e·s. Pour cela, le rôle des syndicats de l’éducation est fondamental. Les gouvernements nationaux devraient veiller à ce que la liberté académique soit une véritable priorité au cours du cycle 2024-2027 du processus de Bologne.