Analyses du CSEE sur le nouveau paquet « Diplôme européen »

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L'avenir de l'enseignement supérieur est-il en danger ? La dernière analyse du CSEE sur le paquet "Diplôme européen" de la Commission européenne exprime des préoccupations pressantes concernant les réformes axées sur le marché et l'érosion potentielle de la liberté académique. Plongez dans une critique convaincante qui remet en question l'équilibre entre l'éducation en tant que bien public et la pression en faveur d’un alignement sur le marché du travail.

La Commission européenne a récemment présenté son nouveau paquet relatif à l'enseignement supérieur, qui comprend des initiatives dans les matières suivantes :

Le projet d’un diplôme européen
Vers un système européen d’assurance et de reconnaissance de la qualité
Des carrières attrayantes et durables dans l’enseignement supérieur

Les syndicats de l'enseignement supérieur et de la recherche ont discuté de ces initiatives et ont exprimé leur opinion sur le développement de ces politiques. Le CSEE a déjà prévenu que les établissements d'enseignement supérieur et les universités subissaient une pression énorme pour proposer des programmes davantage axés sur le marché du travail et pour lier plus étroitement la recherche financée par des fonds publics aux intérêts des entreprises. En outre, les universités se sont vues confier de nouvelles tâches telles que l'organisation/la fourniture de l'apprentissage tout au long de la vie à l’attention des adultes. Nous craignons que ces tendances ne conduisent à des politiques de quasi-marché, à des modèles de gouvernance et d'organisation qui sapent encore davantage la protection de la liberté académique et de la gouvernance collégiale. Malheureusement, le CSEE constate que cette tendance apparaît clairement dans la  Communication de la Commission européenne sur un projet de diplôme européen.

Le CSEE regrette que l'initiative envisage l'enseignement supérieur principalement sous l'angle de la réduction des pénuries de main d’œuvre et de compétences dans l'UE, en attirant également des talents d’autres continents sur le marché du travail de l’UE, sans mentionner comment éviter la fuite des cerveaux à l'échelle mondiale et au sein de l'UE. Les syndicats sont fermement convaincus que « l'éducation est un bien public et que le droit d'accès à l'éducation va au-delà de l'employabilité et de l'évolution rapide des besoins du marché du travail. Si les employeur·euse·s ont besoin d'une main-d'œuvre hautement qualifiée pour des professions spécifiques, il·elle·s doivent investir dans cette main-d'œuvre en proposant eux·elle·s-mêmes des formations. L'éducation joue un rôle essentiel dans l'enseignement de compétences clés qui peuvent être adaptées plus tard dans la vie dans le cadre de l'apprentissage tout au long de la vie. Plus important encore, l'éducation doit permettre aux apprenant·e·s de jouer un rôle actif dans la société en tant que citoyens démocratiques. C'est essentiel à la lumière des élections à venir ».

La Communication souligne que l'initiative est volontaire, compte tenu des compétences nationales des États membres de l'UE en matière d'éducation et du respect de l'autonomie institutionnelle et de la liberté académique. Elle vise néanmoins à inciter les gouvernements à adapter leurs législations nationales sur les processus de qualifications et d'assurance qualité. L'initiative sera également liée à d'autres instruments de l'UE et au prochain Cadre financier pluriannuel (2027).

Le personnel de l'enseignement supérieur et de la recherche souffre d'une précarité accrue due à des contrats à court terme basés sur des projets, ce qui est le résultat d'un investissement public réduit ou instable dans les établissements d'enseignement supérieur. Malheureusement, l'initiative de la Commission ne répond pas à ce problème, et la manière dont l'initiative du diplôme européen pourrait de manière réaliste soutenir la réduction de la charge de travail, par exemple la réduction du travail administratif du personnel, n’est pas clairement énoncée.

La participation du personnel à la prise de décision à différents niveaux, soulignée par le Communique de Rome, est l'une des valeurs fondamentales du processus de Bologne. Le dialogue social et la gouvernance collégiale sont essentiels pour façonner les politiques et les programmes de l'enseignement supérieur de manière à garantir des conditions de travail décentes et une situation contractuelle permanente avec des salaires attractifs pour un enseignement et une recherche de qualité. Cependant, la proposition de Liste révisée de critères pour un diplôme européen suggère d'impliquer uniquement les représentant·e·s des étudiant·e·s et non le personnel dans le processus de prise de décision pour définir les politiques, procédures et/ou arrangements communs.

Le CSEE se félicite que la Proposition de recommandation du Conseil relative à des carrières attrayantes et durables dans l’enseignement supérieur tente de parvenir à un enseignement de haute qualité et à une coopération transnationale en se concentrant sur un environnement de travail libre, sûr, prévisible et stable et sur le bien-être du personnel académique. Le droit à la négociation collective, un dialogue social efficace avec les syndicats de l'éducation, la liberté académique, l'inclusion et l'égalité des genres dans le travail, la sécurité de l'emploi et des conditions de travail décentes doivent être garantis afin de soutenir le travail des universitaires, en faveur d'un enseignement et d'une recherche de qualité. Nous nous félicitons que la proposition s'adresse au personnel « travaillant dans des établissements d'enseignement supérieur qui font à la fois de l'enseignement et de la recherche, et au personnel qui fait uniquement ou principalement de l'enseignement, quel que soit son statut ». Nous soutenons aussi chaleureusement la recommandation de la Commission européenne aux Etats membres de « respecter les conventions collectives, un dialogue social efficace et l'autonomie des partenaires sociaux, et de prendre des mesures de soutien pour que les employeur·euse·s offrent des conditions de travail attrayantes, inclusives et compétitives, où le personnel académique est valorisé, encouragé et soutenu ». En même temps, on peut se demander pourquoi dupliquer le travail du Comité social sectoriel européen pour l’éducation, où les syndicats de l'éducation et les organisations d'employeur·euse·s ont également discuté avec la Commission européenne du développement de la politique de l'enseignement supérieur et de la recherche dans l'intention de « soutenir l'organisation d'un dialogue social spécifique au niveau de l'Union sur les carrières du personnel académique et des services professionnels ». Le CSEE demande à la Commission européenne et au Comité social sectoriel européen pour l'éducation de poursuivre leur travail afin d'atteindre les objectifs de la Proposition, et de travailler conjointement dans le cadre de l'Observatoire européen du secteur de l'enseignement supérieur.