Le Rapport de suivi de l’éducation et de la formation 2023 met en lumière la crise de la pénurie d’enseignant·e·s

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Le 30 novembre 2023, la Commission européenne a lancé le Rapport annuel de suivi de l’éducation et de la formation lors du Sommet européen sur l’éducation 2023. Le rapport de cette année se concentre sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de de l’Espace européen de l’éducation (EEE) et sur la question cruciale de la pénurie d'enseignant·e·s.

Selon le rapport, la pénurie d'enseignant·e·s est une préoccupation répandue dans tous les secteurs de l'éducation dans l’ensemble des pays de l'UE, comme dans le secteur de l’éducation de la petite enfance (EPE) et celui de l'enseignement et de la formation professionnels (EFP). Le rapport mentionne divers exemples d'écoles en sous-effectif dans les régions défavorisées, de pénuries d'enseignant·e·s STEM et de professeur·e·s de langues et d'un personnel enseignant vieillissant, notamment en Grèce, au Portugal, dans les pays baltes et en Hongrie. Une charge de travail élevée, une faible appréciation sociétale et des salaires peu attractifs - 11 % inférieurs à la moyenne des travailleur·euse·s diplômé·e·s de l’enseignement supérieur dans l’UE - sont identifiés comme des facteurs clés contribuant au manque d’attrait de la profession enseignante. Selon le rapport, même si l'autonomie des enseignant·e·s est généralement élevée dans les pays de l'UE (presque tous les résultats obtiennent un écart de 6 points de pourcentage par rapport à la moyenne européenne élevée de 90,8 %), des pourcentages plus faibles d'enseignant·e·s (75,8 % en moyenne) estiment qu'ils peuvent participer à la prise de décision dans l'école (le pourcentage de direction collégiale varie de 68,4% en Belgique à 89% en Bulgarie). L’appréciation sociétale des enseignant·e·s serait également faible, puisque seulement 17,7 % des enseignant·e·s se sentent valorisé·e·s.

Malgré les mesures prises par les pays pour renforcer l'attractivité de la profession - comme les augmentations de salaire (de 20 % à 70 %) en Bulgarie, en Tchéquie, en Estonie, en Lituanie et en Roumanie - des défis majeurs persistent. Au lieu de résoudre le problème de l’attrait de la profession, certains pays tentent de remédier à la pénurie par d’autres moyens. Par exemple, certains pays de l’UE ont augmenté leurs investissements dans le recrutement d’enseignant·e·s de soutien pour résoudre les problèmes de charge de travail, mais le démarrage efficace de leur carrière et une formation de qualité ne sont toujours pas considérés comme une priorité. Pour améliorer la progression de carrière des enseignant·e·s, 15 systèmes éducatifs de l’UE ont mis en place des réglementations reliant l’évaluation des enseignant·e·s à des promotions et des niveaux de carrière plus élevés, tandis que la France, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie et la Suède l’ont liée à la progression salariale. En revanche, en Belgique, au Danemark, en Estonie, en Irlande et au Luxembourg, aucune incitation financière ni promotion n'a été envisagée. D'autres mesures pour lutter contre la pénurie d'enseignant·e·s ont été mises en place par l'Irlande, qui a lancé un projet pilote pour partager les enseignant·e·s des matières STEM à forte demande entre les écoles, et par la Roumanie, qui envisageait la création de consortiums scolaires pour encourager la participation des écoles défavorisées des zones rurales et isolées.

Pour accroître l’attrait de la profession enseignante, le rapport souligne la nécessité de concevoir des politiques globales et des stratégies fondées sur des données pour améliorer le recrutement, la rétention, la formation initiale, le développement professionnel, le soutien en début de carrière et les parcours de carrière attrayants avec des récompenses financières équitables. Des mesures telles que le recrutement d'enseignant·e·s non qualifié·e·s et des voies alternatives pour accéder à la profession sont également mentionnées comme des aspects importants pour remédier à la pénurie d'enseignant·e·s et attirer d'autres diplômé·e·s ou professionnel·le·s vers l'enseignement. Cependant, les données du rapport montrent que, même si les résultats des étudiant·e·s ne sont pas affectés négativement par l'accès à l'enseignement de personnes issues d'autres professions, les taux de rétention des candidat·e·s issu·e·s d'autres professions dans la profession enseignante sont nettement inférieurs en raison de salaires peu attractifs.

Le CSEE estime que la déprofessionnalisation et la déréglementation de la formation et de la profession des enseignant·e·s compromettent les normes professionnelles et que les filières alternatives ne constituent pas des solutions durables aux pénuries d’enseignant·e·s. Des exigences de qualification élevées pour accéder à la profession, proportionnelles à des salaires équitables, sont essentielles pour maintenir des normes professionnelles élevées et garantir une éducation et un enseignement de qualité. Commentant le Rapport de suivi de l’éducation et de la formation 2023, Susan Flocken, Directrice européenne du CSEE, souligne : « Le Rapport de suivi de l'éducation et de la formation et d'autres rapports européens pertinents montrent que les bas salaires, les mauvaises conditions de travail, le manque d'accès à la formation, la mauvaise qualité de l'éducation initiale et la surcharge de travail contribue tous à la pénurie d’enseignant·e·s. Le CSEE estime qu'une profession enseignante hautement valorisée est une condition préalable pour offrir une éducation de haute qualité aux étudiant·e·s. Nous appelons de toute urgence à un investissement public accru dans l’éducation afin de fournir l’ossature financière nécessaire pour faire de l’enseignement une profession attractive ». En outre, même si le CSEE se félicite de l’accent mis par le rapport sur la pénurie d’enseignant·e·s, il souligne qu’il ne mentionne pas le rôle essentiel du dialogue social ni l’importance de la gouvernance et de l’implication des partenaires sociaux dans l’élaboration des politiques visant à améliorer le statut de la profession enseignante. En tant que syndicats de l’éducation, notre participation active est cruciale pour résoudre efficacement le problème complexe de la pénurie d’enseignant·e·s. À cette fin, nous continuerons d’appeler les gouvernements à un financement public durable, à un soutien au développement professionnel des enseignant·e·s et à une formation initiale de haute qualité pour un personnel bien formé, à des salaires justes et attractifs et à de bonnes conditions de travail.