La Commission publie un rapport sur l'investissement de qualité dans l'éducation et la formation
Publié:En mai 2021, la Commission européenne a créé un groupe d'expert·e·s sur l'investissement de qualité dans l'éducation et la formation dans le cadre d'une initiative de suivi de la Communication relative à la réalisation de l’espace européen de l’éducation d’ici à 2025. Sa mission était de fournir des recommandations aux États membres sur la manière d’utiliser le budget de l'éducation disponible au niveau national, d’identifier les politiques susceptibles d'améliorer les résultats de l'éducation, de promouvoir l'inclusion et l'équité et d'assurer le bien-être des étudiant·e·s. Après plus d'un an de travail, le 19 octobre 2022, la Commissaire Maryia Gabriel et Stefaan Hermans (directeur de la stratégie politique et de l'évaluation, Commission européenne, DG EAC) ont organisé une réunion pour présenter le rapport final du groupe d'expert·e·s. Les conclusions ont également été incluses dans le document de travail des services de la Commission qui accompagnait la communication « Progrès accomplis dans la réalisation de l’espace européen de l’éducation » publiée le 18 novembre 2022.
Le CSEE regrette que ce rapport final n'inclue aucun soutien spécifique à la gouvernance collégiale et à la direction démocratique, malgré les demandes répétées des partenaires sociaux, et cite simplement la collégialité comme l'un des éléments non pécuniaires relatifs au lieu de travail qui affectent les conditions de travail des enseignant·e·s. Le CSEE considère que chaque prise de décision ayant un impact sur les enseignant·e·s et les apprenant·e·s doit être le résultat d'un dialogue social significatif avec les travailleur·euse·s de l'éducation dans le secteur de l'éducation. Il est décevant que le rapport omette totalement le rôle crucial d'une véritable consultation des partenaires sociaux de l'éducation et de la négociation collective, y compris au niveau local, pour garantir une éducation de qualité et améliorer les normes sociales.
Cependant, le CSEE salue l'introduction du rapport rédigée par Maryia Gabriel : « L'investissement public dans l'éducation et la formation est un investissement dans notre avenir ». Au sein de l'Union européenne, nous nous engageons à faire en sorte que chacun·e reçoive la meilleure éducation possible. Cela indique un consensus croissant autour de l'un des principaux messages que le CSEE a toujours vivement défendus : le rôle fondamental de l'investissement public pour fournir une éducation de qualité et inclusive pour tou·te·s. Cette position est conforme à la « Déclaration conjointe pour construire une vision partagée sur l’efficacité, l’efficience et l’équité des investissements en éducation » adoptée en avril 2022 par les ministres de l'Education, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche de l'UE.
Comme le confirme le rapport du groupe d'expert·e·s, investir dans l'éducation et la formation porte ses fruits et a des effets durables à moyen et à long terme. Les expert·e·s appellent à des actions opportunes car plus l'investissement est réalisé tôt, plus les bénéfices futurs sont importants. Le CSEE soutient donc l'avis des expert·e·s selon lequel relever les défis existants et émergents nécessitera des investissements publics majeurs dans plusieurs secteurs, qui s'étendront au-delà de la portée et de l'horizon temporel de la Facilité pour la reprise et la résilience.
Assurer l'investissement public ne peut être soumis à une simple analyse coûts-avantages, comme le suggère le rapport. Malgré la reconnaissance des spécificités du secteur de l'éducation et le fait que les politiques d'éducation sont des investissements avec des coûts actuels et des avantages à long terme, le rapport appelle à une analyse coûts-avantages des politiques d'éducation pour évaluer l'efficacité de ces interventions et choisir entre différentes politiques visant à promouvoir des finances publiques viables. Le CSEE critique l'approche sous-jacente axée sur le marché de l'investissement dans l'éducation adoptée dans le rapport, encourageant de facto la marchandisation de l'éducation et sa détérioration en tant que bien public et droit humain.
Concernant la numérisation, les expert·e·s concluent que « l'utilisation des technologies numériques pour l'enseignement et l'apprentissage peut offrir d'énormes opportunités d'amélioration des résultats éducatifs, si elle est correctement planifiée et conçue ». Le CSEE estime que la transition numérique ne doit pas être considérée comme la panacée à tous les problèmes du secteur de l'éducation. En fait, la numérisation au sein du secteur de l'éducation présente un risque considérable de privatisation, un processus qui pourrait entraîner une diminution de l'inclusion et de la planification transparente. Les décideur·euse·s politiques devraient s'abstenir de considérer l'éducation numérique comme une alternative bon marché pour remplacer les activités éducatives en présence. Les outils numériques peuvent être des outils de soutien pour l'enseignement en présence afin de garantir une éducation de haute qualité à tou·te·s les étudiant·e·s et de préserver les aspects sociaux de l'apprentissage, mais les investissements doivent fortement se concentrer sur la satisfaction des besoins existants des enseignant·e·s concernant l'utilisation pédagogique des technologies de l'information.
Le CSEE salue l'appel à garantir de bonnes conditions de travail pour les enseignant·e·s, à réduire le stress lié au travail des enseignant·e·s et à promouvoir leur bien-être en tant que mesures cruciales pour un personnel enseignant enthousiaste et dynamique. Cependant, alors que le rapport met en évidence les avantages d'une amélioration des compétences pédagogiques et numériques des enseignant·e·s et note l'importance de réduire la taille des classes, il néglige l'importance de l'autonomie professionnelle, du développement professionnel continu gratuit et de salaires décents pour apporter la stabilité à la profession enseignante.
Le CSEE s'oppose catégoriquement à la proposition de mesurer « l'efficacité des enseignant·e·s » à travers les résultats des étudiant·e·s aux tests. Nous soutenons fermement que l'éducation n'est pas une profession liée à la performance où les résultats d'apprentissage des étudiant·e·s reflètent la qualité de l'enseignement. Ce genre d'approche manque de respect et sape le travail des enseignant·e·s. Elle crée un mode d'évaluation arbitraire en ne considérant pas toute la dimension pédagogique du métier d'enseignant et en négligeant la complexité de la réalité sociale et économique des étudiant·e·s et des parents. Cela ne ferait que conduire à une exclusion supplémentaire et, en tant que tel, ne peut en aucun cas être toléré.