20e anniversaire du Processus de Bologne : les libertés académiques doivent être défendues aujourd’hui plus que jamais

Publié:

Les 24 et 25 juin derniers, le département des universités et de la recherche du ministère italien de l’Education, qui abrite le secrétariat du Groupe de suivi de Bologne jusqu’en 2020, a organisé un événement majeur en coopération avec l’Université de Bologne, l’observatoire Magna Charta Universitatum, l’EUA, l’ESU et d’autres partenaires, afin de célébrer le 20e anniversaire du Processus de Bologne.

Cette conférence anniversaire s’est penchée sur les thématiques suivantes : les valeurs académiques et civiques au sein de sociétés en mutation, l’apprentissage centré sur l’élève, le rôle de premier plan de l’enseignement supérieur dans le développement durable, les dimensions sociales de l’enseignement supérieur, ainsi que les carrières et les compétences pour le marché du travail de demain. Pour de plus amples informations concernant cet événement : http://bolognaprocess2019.it/

La délégation du CSEE était composée d’Andreas Keller, Vice-président du CSEE, de Rob Copeland, Président du HERSC, d’Alessandro Arienzo, Vice-président du HERSC, de Jorunn Dahl Norgard, membre du HERSC et d’Agnes Roman, coordinatrice principale du CSEE.

Rob Copeland a principalement axé son discours sur la préservation des libertés académiques au sein de systèmes d’enseignement supérieur dominés par le marché. Il a souligné que les libertés académiques et l’autonomie des établissements étaient menacées en raison de la montée de l’autoritarisme politique. Les études font état d’une régression en la matière, qu’il s’agisse de la fermeture d’universités pour des motifs politiques, de la suppression de certaines matières enseignées, ou encore, de licenciements massifs parmi le personnel des universités. Il est essentiel que les universités européennes soient à l'abri des ingérences et des pressions politiques, afin qu’elles puissent remplir leur rôle de bastions de la pensée critique et du jugement indépendant. Le personnel, les étudiant·e·s et les recteur·rice·s ont un rôle clé à jouer dans la défense de l'autonomie des établissements et des libertés académiques, deux conditions préalables indispensables si l’on souhaite garantir la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Parallèlement, le principe et l’exercice des libertés académiques sont également menacés par la marchandisation et la commercialisation de l’enseignement supérieur, parfois sous le prétexte de promouvoir une plus grande « autonomie institutionnelle ». Les politiques telles que celles encourageant le financement basé sur la performance, les contrats à durée déterminée pour le personnel des universités, ainsi qu’une gouvernance des établissements basée sur des modèles de gestion d’entreprise, restreignent le droit d’enseigner sans ingérence, la liberté de conduire des recherches et d’en diffuser les résultats, de même que la possibilité de participer aux instances représentatives, conformément à la Recommandation de l'UNESCO de 1997 concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur.

Il a rappelé aux participant·e·s les revendications des organisations membres du CSEE, souhaitant garantir la qualité de l’enseignement supérieur, et a ajouté : « Le CSEE considère que les gouvernements et les établissements scolaires devraient davantage veiller à évaluer, examiner et limiter les conséquences de ces politiques sur les libertés académiques. Par ailleurs, la réussite de l’EEES après 2020 ne pourra se faire sans accorder davantage la priorité à l’investissement public de base dans l’enseignement supérieur, sans la création d’un environnement de travail collaboratif pour le personnel, sans un meilleur équilibre entre enseignement et recherche dans les carrières académiques et sans un processus institutionnel pouvant s’appuyer sur un véritable dialogue social et une véritable gouvernance collégiale. »

La conférence a tout particulièrement mis l’accent sur les valeurs fondamentales de l’Espace européen de l’enseignement supérieur, une thématique importante au centre du dernier Communiqué adopté l’an dernier par les ministres de l’Education des 48 pays du Processus de Bologne. Ce Communiqué reconnaît l’importance des valeurs fondamentales telles que les libertés et l’intégrité académiques, l’autonomie des établissements et la participation du personnel à la gouvernance :

« Les libertés et l’intégrité académiques, l’autonomie des établissements, la participation des étudiant·e·s et du personnel à la gouvernance de l’enseignement supérieur, ainsi que la responsabilité publique de l’enseignement supérieur et en sa faveur, forment l’ossature même de l’EEES. Ces valeurs fondamentales étant menacées depuis plusieurs années dans certains de nos pays, nous nous engageons fermement à les promouvoir et à les protéger dans l’ensemble de l’EEES, au travers d’un renforcement de la coopération et du dialogue politiques.»

Un résumé de la recherche de Jorunn Dahl Norgard et Jon Wikene Iddeng sera également inclus dans le livre de la conférence anniversaire. Ces deux analystes nous rappellent que plusieurs documents politiques majeurs émanant d’instances gouvernementales et transnationales (ex. les Déclarations de l’UNESCO, la Charte et le Code de conduite des chercheur·euse·s, la Nouvelle stratégie de la Commission européenne en faveur de l’enseignement supérieur et le Communiqué de Paris) soulignent que les libertés académiques et les conditions d’emploi sont cruciales pour la qualité de l’enseignement et de la recherche. Pourtant, bon nombre d’études indiquent clairement que les conditions de travail et les perspectives d’avenir des jeunes chercheur·euse·s se sont détériorées à la suite des mesures d’austérité et des réformes du financement de l’enseignement supérieur instaurées après la crise de 2008. Ces rapports confirment que les conditions d’emploi et les perspectives de carrière des universitaires en début de carrière sont nettement moins stables. Un nombre croissant d’universitaires sont employé·e·s sous des contrats temporaires en dehors de tout plan de carrière officiel. En conséquence, ils·elles ne peuvent bénéficier des avantages liés aux carrières tels que le congé sabbatique, le développement professionnel continu et les ressources financières, et ne peuvent se voir accorder l’ensemble des prestations sociales. Les travaux des deux analystes soulignent que, si l’on souhaite assurer la réussite future de l’EEES, il est indispensable de créer des environnements professionnels collaboratifs et de faire en sorte que ceux-ci deviennent une priorité stratégique, fassent l’objet d’un suivi renforcé via le Processus de Bologne, conformément à la mise en œuvre du Communiqué de Paris.