Position du CSEE concernant un nouvel Espace européen pour la recherche et l’innovation
Publié:Considérer la recherche à des fins purement économiques nuit à la liberté académique et à la science ouverte
Le 30 septembre 2020, la Commission européenne a publié une communication intitulée Un nouvel EER pour la recherche et l’innovation. L’objectif de la Commission européenne est de synthétiser les objectifs atteints dans le cadre de l’Espace européen de la recherche (EER), de célébrer le 20e anniversaire de sa création et de présenter 14 initiatives visant à augmenter les investissements dans la recherche et l’innovation, à synchroniser les niveaux de qualité de la science au sein de l’UE, à renforcer les relations entre la recherche et les industries et à garantir l’égalité entre les hommes et les femmes dans les secteurs de la recherche et du développement. La communication demande également d’accroître les investissements nationaux dans la recherche et le développement afin d’assurer la relance économique après la crise de la Covid-19.
Dans son document de prise de position, le CSEE réagit à l’initiative de la Commission européenne en soulignant que, si l’on souhaite renforcer la recherche publique en Europe, il est nécessaire de réaliser des investissements publics durables dans ce secteur, de respecter les libertés académiques et scientifiques, de garantir l’égalité des genres, ainsi que des conditions de travail équitables, des salaires décents, des statuts contractuels permanents pour les chercheur·euse·s, y compris en début de carrière, et un dialogue social efficace avec les syndicats qui les représentent.
La crise de la Covid-19 a eu des répercussions négatives pour les chercheur·euse·s et la recherche, tant dans le secteur public que privé. Les syndicats ont âprement négocié avec les employeurs pour que les recherches menées à distance durant le confinement soient considérées comme du travail, mais, malgré cela, un grand nombre de chercheur·euse·s ont été licencié·e·s ou menacé·e·s de chômage. Les organisations membres du CSEE expriment leurs inquiétudes pour les chercheur·euse·s dont les employeurs n’autorisent pas le travail à distance durant la pandémie, alors que les conditions de santé et de sécurité ne sont pas garanties sur leurs lieux de travail. Raison pour laquelle il conviendrait de renforcer l’EER en soutenant la relance de l’Europe dans une perspective sociale et en garantissant des conditions de travail de qualité pour les chercheur·euse·s.
Il est essentiel de garantir un investissement public dans la recherche publique sociétale. Le sous-investissement du secteur public, les orientations commerciales, la pression croissante des réformes pour aligner les résultats des recherches et la gouvernance des universités sur les besoins des entreprises, de même que les incitants financiers qui orientent les recherches et les financements en fonction des priorités des entreprises, sont autant de facteurs qui entravent la liberté des chercheur·euse·s de mener leurs recherches sans ingérence. Cette situation altère la capacité des universités, en tant qu’entités collégiales, de promouvoir la recherche fondamentale indépendante dans des domaines tels que la santé, l’environnement et les sciences sociales, offrant des avantages à court et long terme pour la société et l’économie.
Malgré cela, la communication de la Commission encourage la recherche à se tourner davantage vers les entreprises. Nous tenons à exprimer nos plus profondes inquiétudes à l’approche du prochain Forum EER pour la transition, au cours duquel il sera demandé que 5 % du budget public national de la R&D soit alloué à des programmes conjoints de l’UE et à des partenariats européens d’ici 2030, risquant ainsi d’entraîner une nouvelle diminution des investissements nationaux dans la recherche publique. Ceci conduira, en effet, à renforcer davantage encore la commercialisation de la recherche, comme le suppose la politique de l’UE centrée sur la relation entre la recherche et les entreprises, notamment dans le cadre du programme Horizon Europe et de l’EER.
Nous réfutons le point de vue de la Commission européenne selon lequel l’Espace européen de la recherche (EER) doit avoir pour objectif de devenir « un marché unique de la recherche et de l’innovation ». Cette politique transforme intégralement la recherche en marchandise. Nous rappelons que la Recommandation de l’UNESCO concernant la science et les chercheurs scientifiques (2017) souligne clairement que la liberté académique de communiquer ouvertement les résultats, les hypothèses et les points de vue est au cœur même du processus scientifique. Nous demandons à la Commission européenne de reconnaître que considérer la recherche dans une perspective économique ne respecte en rien les principes de la liberté académique et de la science ouverte.